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En 2022, les séries ploient sous le poids du passé

Les deux premières séries de notre palmarès sont – l’un des deux titres l’indique – tournées vers l’avenir. Certes, Le Monde de demain est située au début de la décennie 1980. Mais ses créateurs, Katell Quillévéré et Hélier Cisterne, ont voulu saisir un moment où tout est possible, mettre en scène le passé comme s’il s’agissait de l’instant présent. Le plus formidable est qu’ils y sont parvenus, sans effort apparent, redonnant au hip-hop naissant de NTM et de Dee Nasty sa radicale nouveauté.
Les rebelles d’Andor, la série que Tony Gilroy a extraite du gisement Star Wars, œuvrent à l’avènement de beaux lendemains, contre une opposition arc-boutée sur un présent gris et répressif, un propos politique et historique d’une acuité que l’on n’attendait pas de la firme que Walt Disney a rachetée à George Lucas.
Pour le reste, les séries qui ont marqué 2022 ploient toutes sous le poids du passé. Oussekine, par exemple, l’inattendue première fiction française proposée par Disney +. Le récit minutieux de la mort de l’étudiant tombé sous les coups de la police et de ses répercussions est situé quasiment au même moment que Le Monde de demain. Mais la série d’Antoine Chevrollier contient tous les regrets que laissent les occasions manquées en ces années.
Irma Vep, le jeu de miroirs autobiographique d’Olivier Assayas, fouille aussi bien les souvenirs intimes que l’histoire du cinéma pour mieux mettre en scène le vertige qui a saisi l’art inventé par les frères Lumière au sortir de la pandémie. L’un des mouvements les plus élégants de la série est de nouer le fil qui lie l’enfance du cinéma nourri de fiction épisodique et le déferlement de séries déclenché par l’apparition des chaînes payantes, des Vampires, le cinéfeuilleton que Louis Feuillade a réalisé en 1915 à la série multinationale, étoilée de stars de cinéma (Alicia Vikander, Lars Eidinger, Jeanne Balibar…) que dirige Assayas.
Le passé, c’est aussi l’enfance que l’on trimballe tout au long de sa vie d’adulte. Le meilleur exemple en est le chef talentueux de The Bear, qui vient expier ses péchés de fils et de frère dans un boui-boui de Chicago. Sur le même registre, on aurait pu glisser quelque part dans ce classement l’héroïne hors normes (physiques et comportementales) de Somebody Somewhere qui revient dans sa petite ville natale du Midwest et les lycéennes de Yellowjackets, survivantes d’une catastrophe aérienne dont le souvenir plane comme un nuage noir sur leur présent.
L’enfance et l’histoire se confondent souvent. Les pérégrinations chaotiques de l’héroïne de Poupée russe (Russian Doll) en témoignent. La série créée par Natasha Lyonne a pris un tour inattendu en sa deuxième saison, utilisant les procédés de la fiction fantastique pour esquisser un roman des origines qui a emmené sa protagoniste new-yorkaise dans l’Europe au temps de la Shoah qu’a fuie son aïeule. On ne s’attendait pas non plus à voir Miss Marvel, la super-héroïne adolescente qui grandit dans le New Jersey, entre lycée et mosquée, précipitée dans le tumulte de la partition de l’Inde et du Pakistan.
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